Etats unis d’Afrique: du rêve au cauchemar
(Le Faso.net 22/04/2013)
Six ans que l’idée de mettre sur pied ce que ses concepteurs ont appelé à l’époque, « les Etats Unis d’Afrique ». Emise en 2007 à Accra au Ghana, lors de la neuvième session des Chefs d’état de l’Union africaine, l’idée a fait long feu. Faisant ainsi virer le rêve au cauchemar.
Oublié désormais, l’ambitieux projet de création des Etats unis d’Afrique ? A l’évidence la question ne semble plus d’actualité en ce moment. Surtout face à la résurgence des conflits armés et des rebellions qui apparaissent pour leurs auteurs, comme des formes de réponses à la mal gouvernance sur le continent africain. C’est oublier que dès le départ, l’affaire elle-même était assez bien mal engagée au pays du Dr Kwame N’Krumah, chantre du panafricanisme. L’Union Africaine divisée En effet, pendant que certains y voyaient une chance et une opportunité pour les africains de faire un bond qualitatif sur la scène internationale, d’autres l’analysaient par contre, comme une manière pour l’ex-Guide Libyen d’assouvir ses instincts de domination, après avoir échoué dans sa tentative d’unification panarabiste. Reproduisant ainsi les mêmes clichés qui ont prévalu à la création de l’OUA en 1963 à Addis Abeba en Ethiopie ; avec d’un côté le groupe de Monrovia et de l’autre celui de Casablanca. De fait, les dirigeants du continent se trouvèrent partagés dans deux camps farouchement opposés. Tripoli vs Pretoria Aux côtés du libyen, on retrouve ainsi d’autres noms tels que Abdoulaye Wade du Sénégal, et Omar Bongo du Gabon. En face il y a ceux qui estiment qu’il faut appliquer la théorie des petits pas. Ce sont le Sud-africain Thabo Mbeki, l’Ougandais Yoweri Musseveni, et l’éthiopien Mélès Zénawi. Auxquels l’on pourrait ajouter le burkinabè Blaise Compaoré. C’est d’ailleurs un secret de polichinelle, le sommet d’Accra signera la rupture entre le Guide et le chef de l’Etat burkinabè ; le second n’hésitera pas à s’engager ouvertement dans la voie de la contradiction et à marquer sa nette différence. A la stupéfaction du premier qui en guise de représailles, va resserrer les cordons de la bourse. Le Panafricanisme malmené On l’aura compris, dans ce combat de titans entre partisans et adversaires d’une marche forcée de l’Afrique vers l’unité, chacun opte pour ce qui l’arrange et pas nécessairement pour ce qui fait l’affaire de ses propres populations, qui du reste, n’ont à aucun moment été consultées sur cette question de haute importance stratégique. Pourtant, estime l’Ambassadeur Ki Doulaye Corentin, « le grand débat sur le gouvernement de l’union procède selon lui de la problématique qui a toujours agité les cercles politiques et intellectuels ainsi que les populations africaines en général sur la nécessité d’avoir une Afrique unie et unitaire si l’on veut résoudre les problèmes politiques, sécuritaires et économiques qui se posent au continent. » De Syrte à Accra Il faut noter à ce propos, que c’est l’assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA elle- même qui avait décidé à l’occasion de sa huitième session en Ethiopie, les 29 et 30 janvier 2007, de consacrer sa prochaine session à « un grand débat sur le gouvernement de l’Union Africaine », traduction de sa volonté à œuvrer rapidement à la mise en œuvre de l’idéal continental. Malheureusement les antagonismes ont été trop forts ; si bien que l’union des Chefs d’Etat prendra encore une fois le pas sur celle des citoyens en terre ghanéenne. Un fait accentué par l’impossibilité, plus de cinquante ans après les indépendances, à construire de véritables état-nations ; de même que l’existence de cette contradiction quasi permanente entre ces professions de foi panafricanistes et ces replis souverainistes. Bilan peu satisfaisant En termes de résultats, l’Afrique se retrouve donc six ans après le sommet d’Accra toujours à la recherche de ses marques. Le montage politique imaginé n’a ainsi jamais vu le jour. De plus certains des acteurs ci-dessus cités ne sont plus aux affaires. Animateur de ce courant unificateur, Kaddhafi a d’ailleurs été balayé dans les conditions que l’on connaît. Quant au Mali, le pays de Modibo Diarra, un autre défenseur du panafricanisme, il a vu son territoire occupé par des mouvements terroristes après le renversement du président ATT. Ailleurs c’est toujours l’instabilité et le chao (électoral) qui prédominent. Ironie de l’histoire, c’est cette bataille féroce entre le gabonais Ping et la sud-africaine Dlamini-Zuma pour le contrôle de la présidence de la Commission de l’Union africaine. Un conflit qui laissera sans aucun doute des traces. Instabilité politique et ‘’démocrature’’ Au bilan, il ne reste à l’évidence qu’une addition de vœux et d’engagements non tenus. A ce titre, L’Afrique de la défense n’a toujours pas été mise en place, malgré toutes les gesticulations autour du sujet. La preuve en a été donnée par le conflit malien ou la MISMA/CEDEAO, soutenue à bout de bras par la France et par la communauté internationale, a du mal à s’imposer convenablement. Pas de diplomatie commune non plus ! On le constate lors des assemblées générales des Nations unies ou à l’occasion de grandes rencontres internationales avec cette multiplicité d’acteurs et d’intervenants qui sont censés paradoxalement parler des mêmes réalités. Idem sur le plan économique ou les convergences ne sont pas au rendez-vous. Les pôles régionaux, les fameuses ‘’CER’’ (communautés économiques régionales) ne sont pas au même niveau d’engagement ; tout comme les différents pays qui les composent. L’indépendance monétaire elle, n’est toujours pas une réalité, avec des pays qui n’ont pas d’assises suffisantes, et qui ploient sous le faix de l’aide publique au développement. Egoïsme des Etats africains Cette situation de crise est accrue par l’absence de solidarité réelle entre les Etats ‘’riches’’ et les autres qui sont moins nantis ; du fait de la disparité des modèles et du manque de volonté politique, les populations payent finalement le prix fort. En effet, l’une des conséquences qui en découlent, ce sont les entraves récurrentes à la libre circulation des personnes et des biens à l’intérieur même du continent. En outre dans le projet initial, il était également question de la création d’une Banque centrale africaine, d’un Fonds monétaire africain ainsi que d’une Banque africaine d’investissement conformément à la déclaration de Syrte de 1999. Toutes ces initiatives semblent aujourd’hui avoir perdu de leur éclat. Au point que l’on ne peut que reconnaître la clairvoyance du penseur lorsqu’il s’interrogeait « A quand l’Afrique ? ». Juvénal SOME |
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Donnerstag, 29. Oktober 2015
Etats unis d’Afrique: du rêve au cauchemar
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