Venus Hottentote, premières exhibitions du genre
Dans l'histoire de l'Occident , le phénomène de "Zoos humains" débute bien avant la colonisation. On a déjà prouvé dans la section "Ses origines"
que le processus de déshumanisation est une longue tradition culturelle
occidentale. Les premières exhibitions d'êtres humains où l'homme est
déshumanisé au rang d'objet vivant commence dès l'antiquité en
revanche les formes d'exhibitions varient à travers le temps. Au début
du XIX ème siècle, les peuples non européens sont exhibés comme des
spécimens à observer.
La « Venus Hottentote »
connue sous le nom de Saartjie ou Sarah Baartman se nomme en vérité
Sawtche. Née en 1789, c'est une femme Khoisan qui est asservie par un
fermier boer. Au cours du XVII ème et XVIII ème, le peuple de Saartjie a
été massacré par les colons néerlandais, les survivants de ce génocide
ont été réduit en esclavage par les Boers.
En 1807, Sawtche est vendue au frère de son maître Hendrick Caezar dans une autre ferme près du Cap. En 1810 William Dunlop,
médecin anglais de marine, conseille au fermier boer de l'exhiber dans
toute l'Europe et lui prédit un grand succès. À son arrivée en Europe,
elle est renommée «Saartjie Baartman». Elle est amenée à Londres pour
être exhibée entre 1810 et 1814 comme un animal dans toute l’Angleterre
et la Hollande dans les foires, musées, salons privés: « Elle fut
montrée comme une bête sauvage, on lui donna l’ordre d’avancer, de
rentrer et de sortir de sa cage, comme un ours au bout de sa chaîne et
non pas comme un être humain »2. Présentée comme un
spécimen exotique, elle est déshumanisée. Exhibée au fond d'une cage,
elle est humiliée sous le regard, les quolibets et le toucher des
spectateurs. Elle est baptisée en 1811 à Manchester avec
l’autorisation spéciale de l’évêque de Chester. Ensuite elle arrive à
Paris en septembre 1814 où elle est exhibée au public par un dénommé
Réaux qui exhibe traditionnellement des animaux (ours, singes) dans le
quartier du Palais-Royal. Puis elle est examinée, mesurée et palpée par
les savants. Etienne Geoffroy Saint Hilaire, professeur au Muséum
national d’histoire naturelle souhaite « profiter de la circonstance
offerte par la présence à Paris d’une femme bochimane pour donner avec
le plus de précision qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour les caractères
distinctifs de cette race curieuse »3. Observée par les scientifiques, elle est exhibée au Jardin des Plantes. À sa mort, Geoffroy Saint Hilaire réclame son corps pour qu'il soit porté aux laboratoires d’anatomie du Muséum d’histoire naturelle et qu'il « puisse devenir asile aux progrès des connaissances humaines »4. Pour le professeur, il s’agit d’une opportunité « d’acquérir de nouveaux renseignements sur cette race singulière de l’espèce humaine»5.
Elle décède dans la nuit du 29 septembre 1815 par une fièvre
éruptive aggravée par l'alcool. Durant son calvaire en Occident, ses
"impresarios" n'hésitent pas à droguer Sawtche afin de mieux abuser
d'elle dans les salons privés où elle est violée.
Après avoir exécuté un moulage de la dépouille mortelle, son corps est disséqué illégalement6
en public dans le laboratoire d’anatomie du Muséum par Georges Cuvier,
zoologiste et chirurgien de Napoléon Bonaparte, qui prélève son
squelette, son cerveau et tous les organes génitaux qu’il conserve dans
des bocaux de formol. Cuvier recherche « un sexe de crapaux »7
dans les organes génitaux de la femme sud–africaine c'est-à-dire un
sexe rembourré. Après la dissection de son corps, Cuvier et Saint
Hilaire publient à l’Académie de Médecine en 1817 une communication
dans laquelle ils concluent sur la base de leurs observations une réelle
proximité entre Sawtche et le singe. Les propos de Cuvier à son égard
sont très éloquents : « Ses mouvements avaient quelque chose de
brusque et de capricieux qui rappelait ceux du singe. Elle avait surtout
une manière de faire saillir ses lèvres tout à fait pareille à ce que
nous avons observé dans l’orang-outang. »; « Le nègre, comme on le
sait, a le museau saillant, et la face et le crâne comprimé par les
côtés ; le Calmouque a le museau plat et la face élargie ; dans l’un et
l’autre les os du nez sont plus petits et plus plats que dans
l’Européen. Notre Boschimane a le museau plus saillant encore que le
nègre, la face plus élargie que le calmouque, et les os du nez plus
plats que l’un et l’autre. A ce dernier égard, surtout, je n’ai jamais
vu de tête humaine plus semblable aux singes que la sienne » [8]. Pour
Saint Hilaire, il souligne les caractères anatomiques qu’il rapproche
de ceux du singe comme par exemple sa tête qui selon lui comporte «
un commencement de museau encore plus considérable que celui de
l’orang-outang rouge qui habite les plus grandes îles de l’océan indien»9. «La prodigieuse taille de ses fesses »10 lui inspire une comparaison avec les femelles mandrill.
L’Occident a toujours sciemment mis en valeur les différences
corporelles entre les peuples afin de stigmatiser les vaincus. La
déshumanisation des peuples asservis permet de légitimer l'impérialisme
occidental. L'Europe ne cesse de diffamer la jeune femme en la
comparant à un primate. Sawtche est exhibée comme un animal de
foire, elle n'est pas considérée comme un être humain à part entière,
elle est DÉSHUMANISÉE. La puberté a gracieusement donné à
Sawtche tous les attraits des femmes de son peuple or les canons de la
beauté européenne sont différents de ceux des canons de la beauté
africaine. Les Européens perçoivent chez Sawtche une monstruosité, une
anomalie alors que les Africains perçoivent tous les charmes et
attributs sexuels détenus par les femmes de leur continent. En revanche
l'exhibition de Sawtche attire les européens pour plusieurs raisons.
D'une part l’Occident peut s'enorgueillir de sa dite supériorité sur les
races dites inférieures. D'autre part l'Occident peut fantasmer à
loisir sur son corps généreux et gracieux. Souvent présentée toute nue,
son exhibition révèle un caractère pervers et obscène. Elle ne peut
laisser indifférent surtout un public masculin: « La Vénus
hottentote conquit dans sa renommée en tant qu'objet sexuel, et la
combinaison de sa bestialité supposée et de la fascination lascive
qu'elle exerçait sur les hommes retenait toute leur attention; ils
avaient du plaisir à regarder Saartjie mais ils pouvaient également se
rassurer avec suffisance: ils étaient supérieurs » [11].
Les européens ne peuvent résister au besoin inavouable de la toucher à
travers les barreaux de sa cage. En surface on peut voir des gens qui
touchent un individu au même titre qu’un animal mais il faut aussi
percevoir des gens qui veulent entrer en contact avec cet être humain
qui les attire. Officiellement elle est perçue comme une monstruosité,
une sorte de primate. Ses formes passent pour le signe d’une anomalie
atavique mais en vérité elle dégage une forme d’érotisme dit "exotique" pour les Européens qui admirent la générosité de ses formes : « sa
sensualité monstrueuse avait quelque chose d'obscène, mais aussi de
sacré, qui assaillait le spectateur au tréfonds de lui-même. Celui,
troublé par des pulsions contradictoires, fuyait dans le rire et le
quolibet » [12]. Les peintres dessinent son portrait, ils la
perçoivent comme un objet de désir inavouable, elle deviendra par la
suite un objet sexuel dans les salons privés où certains européens
assouvissent leurs fantasmes et abusent d’elle en la violant.
La « Venus Hottentote » aujourd'hui
Le corps de Sawtche (son squelette et ses organes) ainsi que le moulage
de sa dépouille mortelle sont conservés au Muséum national d’histoire
naturelle et présentés au public au Musée de l’Homme en 1937 lors de la
fondation du Musée. Elle est exposée au public jusqu’en 1974. Puis le
moulage est exposé pendant deux ans dans la salle de préhistoire ensuite
elle est entreposée dans les réserves du Musée d’où elle est sortie en
1994 à l’occasion de la présentation d’une exposition sur la sculpture
ethnographique au XIX ème siècle d’abord au Musée d’Orsay puis en Arles.
Les organes de Sawtche ont été déclarés disparus du Musée de l’Homme au
cours des années 1980, ils sont cependant présents dans l’inventaire
officiel du musée. Depuis 1994, l’accès aux organes de Sawtche est
limité aux personnes autorisées par le directeur général sur
recommandation de l’ambassade d’Afrique du Sud.
En 1994 à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, les Khoisans
demande la restitution du corps de Sawtche, ils n’ont jamais oublié leur
sœur emmenée de force en Occident, ils souhaitent lui offrir une
sépulture et lui rendre enfin sa dignité. La demande de restitution des
Khoisans émane de l’organisation représentant les descendants Khoisans.
En 1999, lors d’un congrès d’archéologie au Cap, le président déclare à
l’intention de la France: « l’exhibition de son postérieur et de ses
organes génitaux pour amuser les foules de gens sans coeur viole la
dignité de mon peuple » [13]. Au départ la demande est rejetée,
elle rencontre une opposition de la communauté scientifique française
qui ose prétendre que le corps leur appartient au nom du patrimoine
inaliénable du muséum et de la science. On reconnaît bien là les
habitudes occidentales qui prônent le traditionnel prétexte de la
science et la raison pour affirmer que tout lui appartient (domination),
même le corps mort des non-européens. Après le vote d‘une loi française14
en 2002, la France restitue le corps à l’Afrique du Sud où on lui
consacra des funérailles selon les coutumes de son peuple. En revanche
le moulage de Sawtche est toujours présent au musée de l’Homme15, il est entreposé dans une caisse recouverte d’un grillage.
La falsification de l’histoire a proclamé que Saartjie est venue sous
contrat en Angleterre or il est important de souligner que Sawtche était
asservie en Afrique du Sud par des fermiers Boers, elle n’est jamais
allée en Angleterre de son plein gré mais bien à cause de son maître
esclavagiste Hendrick Caezar. Lors de sa mort Sawtche a fait l’objet
d’un véritable dépeçage en public de son corps et non d’une autopsie sur
les causes du décès comme on peut parfois le lire. De plus l’histoire
occulte trop souvent les abus sexuels dont les femmes non blanches
exhibées en Europe ont fait l’objet comme Sawtche. Souvent les Européens
soumis à une irrésistible attirance ont toujours eu des relations
sexuelles avec des femmes non occidentales depuis le XVème siècle
jusqu’à nos jours. En dépit de tous les assertions fallacieuses dont ont
fait l’objet les peuples non-blancs soumis aux Européens (sauvages, abrutis, bestials, simiesques etc…), cela n’a jamais empêché les leucodermes d'abuser sexuellement des femmes non-blanches.
Après
la colonisaton de l'Amérique, les amérindiennes étaient contraintes de
devenir les maîtresses-esclaves des colons européens. Durant
l’esclavage, les viols entre les maîtres et leurs esclaves étaient
fréquents par exemple le président américain Thomas Jefferson, champion
du genre, entretenait une relation forcée avec son esclave. Le nombre de
Noirs issus de ces "relations " en est la preuve vivante notamment au
Brésil. Pendant la colonisation surtout au début, les indigènes qui
vivent avec les colons sont appelés des "bibis" .
Tchong A Sam
Un chinois nommé Tchong A Sam échoue à Paris le 19 octobre 1800 dans
des circonstances confuses. Peu importe sa provenance, pour les savants
de l’époque, c’est une opportunité à saisir. L’homme est convoité
par la société des Observateurs de l’Homme « qui ne pouvait être indifférente au bruit qui annonçait l’existence à Paris d’un Chinois », il est soumis à une étude de ses caractères physiques, intellectuels et moraux : « La
Société des Observateurs de l’Homme ne peut remplir avec succès le but
utile qu’elle s’est proposé dans ses travaux, qu’en multipliant les
recherches et les observations sur un sujet si intéressant à connaître
et si peu connu jusqu’ici » [1].
Joice Heth
Joice Heth est une femme « esclave »,
aveugle et âgée qui est exhibée à travers le Nord-Est des Etats-Unis
par Phineas Taylor Barnum, manager de cirque en 1835. Il prétend que
Joice Heth possède 161 ans pour lui donner une particularité
extraordinaire et qu’elle est la nourrice du président George
Washington. Auparavant elle est exhibée dans le Sud, dans l’Ohio dans
les villes et les villages par R.W Lindsay, homme de spectacle infortuné
qui avendu Joice Keth à Barnum. Barnum assisté de son avocat Levi Lyman
se lance dans une exhibition itinérante de Joice Heth aux Etats-Unis,
New York, Provence, Boston, Hingham, Lowell, Worceter, Springfield,
Hardford, New Haven, Bridgeport, Newark, Patterson, Albany… Elle est
exhibée dans les tavernes, les auberges, musées, gares et halls de
concert aux Etats-Unis pendant sept mois jusqu’à sa mort. Son périple
est relayé par les journaux qui ne cessent de la caricaturer et de
renforcer les stéréotypes. La presse new yorkaise affuble Joice Heth
d’une grande débilité et d’une apparence grotesque. La publicité sur
Joice Heth insiste essentiellement sur son apparence physique, les
signes corporels de son vieil âge, son poids très faible, sa peau ridée,
la paralysie de son bras et ses jambes, ses ongles recourbés. Les
visiteurs la scrutent, lui prennent le pouls. À Boston, le journal le
Courier, dans un sursaut d’humanité, attaque le spectacle mortifère : « Ceux
qui s’imaginent qu’ils peuvent contempler avec plaisir un squelette qui
respire, soumis à la même discipline qui est parfois exercée dans une
ménagerie pour amener l’animal inférieur à jouer des tours non naturels
pour l’amusement des spectateurs, vont trouver de la nourriture à leur
goût en visitant Joice Heth. Mais l’humanité s’écoeure devant ce
spectacle »[16]. Les gens spéculent sur les raisons de sa longévité et beaucoup s’impatientent de sa mort car son "autopsie"
est un événement attendu et préparé par les savants. Après sa mort elle
est disséquée en public dans le City Saloon de New York par le Docteur
David L Rogers qui découpe le corps de la vieille femme devant un large
public. La salle d’exhibition est transformée en un théâtre d’opération
de fortune, malgré le prix d’entrée onéreux, plus de mille cinq cents
spectateurs assisteront à cette performance macabre. À l’époque, un
doute subsiste sur l’âge de Joice Heth, le Docteur Rogers a établi
qu’elle ne pouvait avoir plus de 80 ans. Pour camoufler le mensonge
échafaudé depuis le départ, Barnum et son compère Lyman achètent James
Gordon Bennet, l’éditeur renommé du New York Herald pour diffuser l’information
que Joice Heth est toujours en vie et que les spectateurs avaient eu
affaire eu dépeçage d’une autre Noire appelé Tante Nelly. Barnum est un
des précurseurs du phénomène d’exhibitions, des shows, des cirques, des ethnic shows et des freak shows. D’ailleurs
son nom est repris à l'apoque pour désigner les impressarios ou
aujourd'hui il évoque les grands chapiteaux de cirque. Barnum a lancé
sa carrière et sa notoriété grâce à Joice Heth, le fait qu’elle est été
disséquée en public n’a outragé aucun américain et pour cause, ce
spectacle est conforme au paradigme occidental,
les spectateurs deviennent des acteurs sur la scène de la domination
occidentale. La dissection publique au City Saloon de New York renforce
les préjugés occidentaux sur la différence de la nature biologique des
Noirs. L’homme Noir est dégradé, déformé, humilié: il est DÉSHUMANISÉ de
son vivant jusqu’ à sa mort. En vérité l’Occident ne cesse de renforcer la barrière idéologique entre l’homme blanc et le non européen par sa mise en spectacle. Ce phénomène d'exhibition s'inscrit dans une longue tradition culturelle occidentale: « L’histoire
de Joice Heth met en exergue ce phénomène, à sa genèse par lequel des
entrepreneurs "culturels" du nord des Etats-Unis , avant la guerre de
Sécession, ont emprunté les images du Sud, propriétaire d’esclaves, pour
construire les fantaisies d’une dominations blanche au Nord, où le
corps de l’esclave noir était soumis aux disciplines scientifiques
modernes et à l’examen minutieux de la culture de masse. Une rencontre
qui allait construire l’ossature conceptuelle du racisme des deux
siècles à venir »[17].
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